Gauguin et le cercle des peintres de Pont-Aven

Impossible d’évoquer Châteauneuf du Faou sans parler de Paul Gauguin. Après avoir quitté Paris, l’artiste postimpressionniste séjourna en Bretagne à plusieurs reprises entre 1886 et 1894, séduit par la lumière singulière et le folklore de l’intérieur du Finistère. S’il est plus souvent associé à Pont-Aven ou Le Pouldu, ses passages à Châteauneuf sont notoires.

  • Des œuvres inspirées de la région : En 1894, Gauguin séjourne à la pension Henry et peint notamment “Le Christ jaune” (aujourd’hui à l’Albright-Knox Art Gallery, Buffalo), inspiré par le calvaire de la chapelle de Trégoat.
  • Un cercle d’artistes : Châteauneuf, à la frontière entre l’Armor et l’Argoat, attire alors d’autres membres de l’École de Pont-Aven : Émile Bernard, Charles Laval ou Paul Sérusier traquent eux aussi la lumière du canal de Nantes à Brest.

À l’Hôtel de France, aujourd’hui disparu, ces artistes partageaient table et discussions jusque tard dans la nuit, mêlant réflexions plastiques et poésie. Leur passage reste perceptible dans certaines collections privées et, parfois, comme inspiration dans les travaux d’artistes contemporains locaux (Wikipédia, Gauguin).

Marie Henry : une aubergiste au destin d’exception

À Chemin du Pouldu, à quelques kilomètres de Châteauneuf, se trouvait la célèbre “Buvette de la Plage”, tenue par Marie Henry. Si le site du Pouldu n’est pas strictement à Châteauneuf, les va-et-vient des artistes et voyageurs de Châteauneuf-à-Pont-Aven en font une figure incontournable de la région.

  • Aubergiste mais aussi muse : Marie Henry accueille Gauguin en 1889 et 1890, mais aussi d’autres peintres comme Sérusier et Filiger. Sa buvette devient le cœur vibrant d’échanges culturels et artistiques.
  • Un patrimoine menacé puis sauvegardé : En 1984, la “Maison Marie Henry” manque de disparaître. Les associations locales, dont celles de Châteauneuf, œuvrent à sa sauvegarde et sa valorisation aujourd’hui (Nouvelle-Aquitaine-Guide).

René Péron, l’apôtre de la sauvegarde et de la mémoire

Né à Châteauneuf du Faou, René Péron est une personnalité méconnue mais essentielle. Auteur, passionné par la mémoire de sa ville, il fut l’un des pionniers de la sauvegarde des traditions orales du XX siècle.

  • Collecteur de témoignages : René Péron publie dès les années 1960 dans “La Revue de l’Aulne” de nombreux articles sur la vie des campagnes et la toponymie locale.
  • Hommage : Sa collection privée de photographies anciennes (plusieurs milliers de clichés) constitue aujourd’hui l’un des fonds les plus riches sur l’histoire sociale de la région, disponible aux Archives départementales du Finistère.

Les figures religieuses : Abbé Perrot et le renouveau local du breton

L’église Saint-Julien trône en majesté sur la rive droite de l’Aulne, mais plus qu’un édifice, Châteauneuf a vu passer des figures marquantes de la renaissance religieuse et linguistique bretonne, notamment au tournant du XX siècle.

  • L’Abbé Jean-Marie Perrot (1877-1943) : Originaire du Pays Goëlo, mais résidant régulièrement à Châteauneuf, il anime la revue “Feiz ha Breiz”, prêche en breton chaque dimanche et fonde “Bleun-Brug”, le grand rassemblement festif nationaliste et catholique du début du XX siècle. Son tombeau, dans la chapelle de Koad-Keo, attire encore des visiteurs chaque année (Wikipédia, Perrot).
  • L’impact dans la vie quotidienne : L’action de Perrot a permis une réaffirmation de la liturgie en breton dans les campagnes environnantes, alors que la langue recule partout ailleurs dans cette période.

Le destin singulier de Youenn Gwernig, le poète-chanteur breton d’Amérique

Originaire de Scaër mais résident de longue date à Châteauneuf, Youenn Gwernig (1925-2006) incarne à lui seul le pont entre la Bretagne et l’Amérique. Ami d’Alan Stivell et de Jack Kerouac, il fut tour à tour tailleur de pierre, musicien, poète et émigré.

  • Un parcours multiforme :
    • Chanson : près de 150 textes en breton et en français, dont plusieurs interprétés à Châteauneuf pendant le festival “Fest Jazz”.
    • Littérature : “Bretagnes” (1973), “La crosse en l’air” (1975) – récits d’exil, de retour et de mémoire.
    • Engagement culturel : il encourage la jeunesse locale à créer des bagadoù et des écoles Diwan à partir de 1977.
  • Amitié avec Jack Kerouac : Ils partagent des origines bretonnes et un attachement à la ruralité. Gwernig traduit Kerouac en breton, et revendique dans ses écrits la richesse de la culture populaire de Châteauneuf. (Wikipédia, Gwernig)

Des femmes engagées pendant la Résistance

Le Finistère intérieur fut un haut lieu de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, et Châteauneuf n’a pas failli à sa réputation.

  • Lucienne Le Floc’h : Infirmière originaire du pays de Châteauneuf, active dans le réseau “Libération-Nord”. Elle camoufle des aviateurs alliés près du Moulin du Chaos en 1943, et permet leur exfiltration grâce à la complicité de résidents locaux. Son nom figure depuis 1999 sur la stèle du souvenir à la sortie Est de la ville.
  • “Le Maquis de Penarpont” : Situé à quelques kilomètres seulement, ce maquis réunissait chaque semaine plusieurs figures locales ayant participé à la libération de Châteauneuf en août 1944. Parmi eux, Madeleine Prigent, célèbre pour avoir transmis des messages chiffrés via la boulangerie familiale.

Le musée local et l’office de tourisme conservent chaque année la mémoire de ces engagements, lors de la Journée nationale de la Résistance (Ouest-France, 2019).

Des musiciens qui font rayonner la commune aujourd’hui

Si Châteauneuf du Faou fut la terre d’accueil de musiciens traditionnels au fil des décennies, la ville s’impose depuis 2005 comme l’un des hauts-lieux du jazz en Bretagne, grâce au festival “Fest Jazz”. Ce rendez-vous attire chaque été plus de 5 000 visiteurs et plus de 120 musiciens internationaux.

  • Une scène éclectique : On y retrouve aussi bien les big bands américains que les escalves talentueux du Lycée Paul Sérusier, qui a ouvert une section jazz en 2016, permettant aux jeunes musiciens locaux de côtoyer des pointures mondiales.
  • Des figures locales : Alain Quéré, batteur et fondateur de l’école de musique “Eveil musical”, compte plus de 800 élèves formés en 25 ans, dont certains ont rejoint le conservatoire national de Paris.

Personnages atypiques et mémorables

La chronique du bourg regorge aussi de visages moins connus, mais dont la mémoire se transmet encore à travers les anecdotes des anciens.

  • “Jeannot le Barde” : De son vrai nom Jean Moreau, itinérant et conteur public du début du XX siècle. Il fut surnommé le “veilleur de la place du Marché” et animait les soirs de foire, racontant l’histoire mouvementée de la révolte des Bonnets Rouges. On rapporte qu’il improvisa en 1917 un monologue de plus de deux heures, en français et en breton, sous la halle à bestiaux.
  • Sœur Marie-Ange du Sidobre : Religieuse de la Congrégation Sainte-Anne, éducatrice hors pair et pionnière de l’enseignement laïque féminin en 1936. Elle créa la première bibliothèque de prêt paroissiale, qui existe toujours aujourd’hui avenue des Montagnes Noires.

Puiser dans l’histoire pour inspirer le présent

Châteauneuf du Faou s’est forgé un caractère à part grâce à la diversité et à l’envergure de ses figures locales. Leur héritage irrigue la vie culturelle d’aujourd’hui : festivals, musées, traditions contées et actions éducatives perpétuent l’esprit d’ouverture de celles et ceux qui ont posé leur empreinte ici. Qui sait si la prochaine génération ne fera pas aussi éclore de nouveaux noms à ajouter à cette liste, à la croisée de l’art, de la culture et de l’engagement citoyen ?

Pour explorer davantage ces histoires et, pourquoi pas, marcher sur les pas de ces femmes et de ces hommes d’exception, le patrimoine vivant de Châteauneuf du Faou n’attend qu’à être découvert lors de votre prochaine balade.

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