L’histoire
du Canal de Nantes à Brest
Il fallut attendre l’année 1725 pour qu’un mémoire soit présenté aux Etats Généraux de Bretagne par François Joseph de Kersauzon, prévoyant la liaison de Nantes à Brest.
A compter de 1780, un conflit avec l’Angleterre parut imposer le projet. En 1783, Pierre Marie de Rosnyvinen de Pire établit un plan de navigation intérieure permettant de joindre Nantes aux deux ports de guerre : Brest et Lorient. En 1804, le blocus du port de Brest par la marine anglaise convainquit Napoléon 1er de relancer le projet. Cette réalisation gigantesque impliqua des travaux précaires et dangereux, exécutés par une main-d’œuvre locale bon marché Le 29 juin 1926, François Nédélec et René Le Berre, occupés à miner un rocher à l’écluse de Bizernig, « ont allumé la mèche deux fois ; ils y sont retournés une troisième ; la mine a sauté. Nédélec a été tué et Le Berre grièvement blessé. ». En 1827, à l’écluse de Kerbaoret, un autre ouvrier, dont l’identité n’est pas connue, fut tué par la chute d’un appareil destiné à l’enfoncement de pieux. Dans une brochure datant de 1981, Emile Guyomarc’h, ingénieur divisionnaire des TPE en retraite, s’était risqué, à propos du chantier du canal, à une comparaison audacieuse et originale : « La pyramide de Kheops, avec ses 147 mètres de hauteur, représente un tas de pierre taillée de 2 300 000 mètres cubes. » Ladite pyramide fut construite il y a 4600 ans à Gizeh, près du Caire, par le roi d’Egypte Kheops ( ou Cheops) de la IVème dynastie. Emile Guyomarc’h poursuivait ainsi : « Le canal de Nantes à Brest a nécessité un cube de matériaux équivalent pour la construction de ses 236 écluses, pertuis et déversoirs, de ses débarcadères, de ses maisons, ses arches marinières, ses aqueducs, contreforts, digues, perrés, enrochements et autres ouvrages connexes. »
De quoi frapper l’imagination des randonneurs, promeneurs de chiens, pique-niqueurs, campeurs-caristes, bicyclettistes, canotiers, bateliers, peintres du dimanche, pêcheurs à la ligne, baguenaudiers, bâilleurs aux corneilles, amoureux seuls au monde, voyageurs organisés, peigneurs de girafes, guinguettiers et touristes en tous genres qui hantent le cours d’eau et profitent de nos jours du travail pharaonique et périlleux accompli par nos grands-pères il y a moins de 2 siècles.
Il convient tout de même de noter que « notre » cours d’eau n’est pas un canal à part entière. Comme les autres rivières empruntées par « le canal », il s’agit plus exactement d’une rivière canalisée comportant simplement un chenal de navigation. La canalisation intégrale de la voie d’eau n’eût pas manqué, compte tenu de déplacements et mises en œuvre supplémentaires de matériaux, d’accroître considérablement l’importance du cubage précité, calculé par l’ingénieur. Et donc de battre le record établi par la pyramide de Gizeh. Et aussi, pour concurrence peu loyale, de rendre jaloux le roi Kheops et le faire se retourner dans son sarcophage…
Le canal inspire les randonneurs à l’âme romantique. Le journaliste Thierry Guidet, auteur de « Le Canal – A pied de Nantes à Brest », écrivait en 1991 lors de son approche de Châteauneuf : « Le soleil a cessé de briller. L’orage rôde autour des Montagnes noires. Le ciel s’obscurcit. La lumière tisse une tendre harmonie de gris et de verts assourdis. Je marche dans un tableau de Sérusier, où les pas ne résonnent plus, noyés dans la douceur. »
Henry MASSON
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